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Elias op. 70
Un oratorio sur les paroles de l'Ancien Testament
Créé le 26 août 1846 au festival de Birmingham, l'oratorio Elias de Felix Mendelssohn
fut salué comme un chef-d'œuvre par deux mille personnes qui attendaient cet
événement comme elles attendaient la reprise presque rituelle du Messie de G.
F. Haendel. Mendelssohn a travaillé pendant neuf ans à cette grande partition
de maturité et en avait minutieusement préparé l'exécution depuis sa bonne ville
de Leipzig. À Londres, son ami le pianiste Ignaz Moscheles avait préparé les
choeurs et l'orchestre en attendant que le grand compositeur de trente six ans
ne prît place au pupitre pour diriger son oeuvre. L'oratorio Elias réalise la
synthèse parfaite des tendances classique et romantique de Mendelssohn, tandis
que l'oratorio Paulus (1836) s'inscrivait encore dans la lignée de Bach. De
la grande fresque haendelienne, Mendelssohn possède le souffle et l'envergure
; de l'opéra romantique allemand à la Weber, la passion et la poésie secrète.
" Je m'étais fait d'Elie
une idée bien précise, à savoir celle de ce véritable prophète fort, zélé, pouvant
également se montrer méchant, coléreux et sombre, … différent en cela des êtres
humains, presque en opposition avec le monde entier mais cependant porté, comme
par les ailes des anges " (Mendelssohn en 1838).
Dans
Elias, les choeurs jouent un rôle fondamental. Qu'ils incarnent
le peuple d'Israël, les prêtres de Baal ou les anges intermédiaires des ordres
de Dieu, ils sont les vrais interlocuteurs du prophète. À ce titre, ils renforcent
le sentiment d'isolement qui émane du personnage et justifient ses réactions
de défense. Ensuite, l'unité d'Elie est acquise par deux motifs principaux qui
reviennent sous plusieurs formes, mélodiquement et harmoniquement, tout au long
de l'oratorio et apparaissent dans le premier récitatif d'Elie : une majestueuse
figure ascendante en accord parfait (ré-la-fa-ré) associée à Elie en tant que
serviteur du Seigneur, et une série dure de tritons descendants (do-fa dièse,
sol-do dièse, ré-sol dièse), soulignée par les cuivres et associée à cette prédiction
en forme de malédiction. L'orchestre enfin prend une dimension expressive nouvelle,
proche des symphonies et du concerto pour violon de Mendelssohn.
Mendelssohn enrichit le récit sur le prophète Elie (Eliyahu, Livre des Rois
I,17 et 18) avec des citations des prophètes Isaïe, Jérémie, Malachie et Joël,
des psaumes et des citations de Moïse. En 1839, son ami Schubring lui suggère
des compléments tirés du Nouveau Testament, mais il semble que cette idée n'ait
pas plu au compositeur.
Elias est composé de deux parties : chacune met en scène trois événements de
la vie du prophète. La première partie commence par la sombre prophétie d'Elie
annonçant une longue sécheresse. Une longue ouverture nous conduit à la prière
chantée par le chœur. Le peuple est désespéré, en colère et se replie en entonnant
une figure psalmodiée " Seigneur, entends notre prière " (n°2). Dans la seconde
scène (n°6-9) Elie ressuscite miraculeusement le fils d'une veuve. Désormais
sous la protection des anges, il affronte les adorateurs des faux dieux (Baal),
se bat et tue même, pour ramener et unir le peuple d'Israël au seul Dieu. Il
met ainsi un terme à la sécheresse (n°10-20).
Dans la deuxième partie, Elie se confronte au pouvoir du Roi Achab et de la
Reine Jézabel et cherche à unir les deux royaumes d'Israël (n°21-24). Condamné
à mort, il se réfugie au désert. Telle une méditation, il chante l'air " C'en
est assez, ô Yahvé ! prends ma vie ". Ici Mendelssohn, dans une musique très
épurée, fait un rapprochement avec l'air " Es ist vollbracht " de la Passion
selon Saint Jean de Bach.
Soudain la nature se révolte (n°33-42). Mendelssohn compose alors une illustration
acoustique de l'apparition de Dieu. Celle-ci repose sur l'enchaînement d'éléments
" crescendo " répétés : l'ouragan, le tremblement de terre, le grondement de
la mer, le feu, le bourdonnement silencieux : le Seigneur était dans un murmure
! Il s'approcha dans " un souffle ténu ", dans le silence, la douceur, paisiblement
dans un " stillem, sanften Säuseln ". À ce moment clé de l'oratorio, Mendelssohn
reprend la mélodie sur laquelle les treize attributs divins sont récités dans
les synagogues allemandes depuis le XVè siècle.
L'oratorio culmine avec la montée au ciel d'Elie dans un chariot de feu et avec
des versets de la prophétie d'Isaïe sur la venue du Messie.
Till Aly
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